475, de Nadir Bouhmouch : quand le mariage devient un châtiment

Le mois prochain sera marqué par le triste anniversaire de la mort d’Amina Filali, 16 ans, première victime médiatisée de l’article 475 du code pénal marocain, qui  a mis fin à ses jours en Mars 2012  après avoir été mariée à son violeur. Rapidement, son destin a suscité les plus vives réactions, et a animé les plus violentes manifestations. Amina est devenue le symbole du combat des femmes marocaines, indignées par cette nouvelle blessure qui leur est faite.

475 le film, est un documentaire qui revient sur cet épisode de conscience collective. Réalisé par Nadir Bouhmouch, il a bénéficié du site de crowdfunding (financement collaboratif) Kickstarter, pour une levée de fonds nécessaire à sa réalisation.

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On avait tous un avis sur le sujet, souvent le même d’ailleurs, on s’insurgeait unanimement devant ce non-sens qui portait atteinte à notre idée du droit, du juste et du bien. On pouvait dés lors s’attendre, légitimement, à un film critique, dénonciateur, révolté, et somme toute, évident.

Mais nous avons été surpris par l’intelligence du documentaire. Le sujet, délicat, méritait une approche plus prudente, mesurée et pondérée.

L’angle adopté est bien plus large qu’attendu. Il considère la situation dans toutes ses dimensions: en partant d’Amina, le film reconstruit son environnement pour l’envisager dans son contexte familial d’abord, et de façon plus globale, dans son village et dans sa société.

On est tenus en haleine par les nombreux rebondissements qui dévoilent un contexte social bien plus complexe qu’il n’y paraît. On apprend que l’histoire d’Amina n’est que la partie visible de l’iceberg qu’est celui de la condition sociale de la femme, véritable colosse glacial et robuste, qui lui reste “inviolable”.

Avec un regard juste et analytique, loin d’un pathos facile, l’indignation n’en est que plus forte. Toujours dans la suggestion, jamais dans le jugement, on est touchés par l’approche bienveillante de l’équipe du film qui interviewe les différents “acteurs”.

Un véritable naturalisme zolien s’en dégage, qui démontre de manière quasi scientifique, l’assommoir social que représentait l’environnement d’Amina Filali. Ce terreau social complexe montre finalement que la loi 475 est plutôt anecdotique dans le récit du destin d’Amina, puisque les torts qui lui sont faits sont bien plus profonds, et sont inhérents à sa condition même de femme.