Central 88, la résidence d'artistes au coeur du Marché Central de Casablanca

La bonne nouvelle de cette fin de saison culturelle c’est sans doute l’inauguration au mois de mai dernier de la résidence d’artistes Central 88 en plein Marché Central de Casablanca. Porté par le Bureau d'Investissement Culturel, une association culturelle fondée par plusieurs acteurs culturels locaux, Central 88 est né des interrogations qu’ont soulevé les confinements successifs sur l’accès à la culture; et cette dimension “non-essentielle” qui lui a été apposée dans la plupart des pays, développés ou non.

En installant un lieu culturel dans un lieu de consommation comme un marché, Central 88 sort l’art de ses lieux habituels pour être là où sont ses publics inhabituels. C’est un lieu ancré qui fait du centre ville et du marché central en particulier un objet de travail et un imaginaire à investir. C’est pourquoi tous les artistes en résidence sont invités à explorer cet ancrage dans leurs travaux.

Amina Azreg était la première artiste en résidence de Central 88. Cette artiste peintre casablancaise a occupé les lieux un mois durant pour aller au plus près du vocabulaire pictural du centre ville, et en extraire un “almanach”, une sorte de dictionnaire illustré et symbolique de l’esthétique du centre ville.

Nous avons posé quelques questions à l’équipe derrière Central 88 pour comprendre leurs motivations et leur vision du projet. Découvrez leurs réponses plus bas.

L’équipe Central 88 avec Amina Azreg - Crédit Central 88

Amina Azreg - Crédit Central 88

- Quelle est la mission de Central 88 ?

La mission de Central 88 est plurielle : nous souhaitons à la fois décloisonner l’art en le rendant véritablement accessible à tous et en allant trouver de nouveaux publics, directement dans les lieux qu’ils fréquentent. Nous voulons aussi « démarginaliser » l’artiste ; qu’il sorte de son atelier pour aller à la rencontre du public, et aussi lui permettre d’engager une dynamique collaborative avec les commerçants du marché.

Bien évidemment, en nous installant dans ce lieu emblématique qu’est le Marché Central, nous aspirons à nous réapproprier et valoriser le patrimoine architectural du centre-ville casablancais : c’est pourquoi nous demandons à chacun des artistes en résidence de proposer un projet en lien avec le Marché ou ses alentours.

- Pourquoi le marché central ? Est-ce une volonté de rapprocher l’art et la culture des milieux populaires ?

Tout est parti d’un constat que nous avons fait pendant la pandémie : comment les artistes peuvent-ils continuer de subvenir à leurs besoins si les galeries, les musées et les institutions culturelles sont tous fermés ? Ne faudrait-il pas (r)amener l’art et la culture dans des lieux populaires ? L’exposer là où se trouve véritablement le public, à savoir dans les espaces de consommation ? En s’inspirant d’une initiative lancée par des artistes italiens qui avaient exposé leurs œuvres dans un supermarché à Naples durant le confinement, nous avons décidé d’investir le Marché Central pour aller à la rencontre de ces publics qui sont trop souvent exclus des évènements culturels et du marché de l’art, afin de réintégrer le processus créatif au cœur de la ville. 

- Comment s’est passée l’installation dans le marché ? Comment avez-vous été reçus ?

Il y a eu un brin de méfiance au départ... C’est normal, les commerçants veillent à ce qu’on ne marche pas sur leurs platebandes car il y a beaucoup de concurrence. Mais dès qu’ils ont compris que nous étions là pour servir un projet artistique et que nous pouvions drainer un public nouveau - et donc de potentiels clients - ils ont été rassurés. Honnêtement, nous avons été adoptés très rapidement et nous entretenons de très bonnes relations de voisinage.

- Craignez-vous une gentrification ou une forme d’hipsterisation du marché ? Ou alors ça vous semble improbable ?

Aujourd’hui, le Marché Central reste un lieu préservé où se croisent encore différents types de populations. Le quartier – et le centre-ville casablancais dans sa globalité – a inéluctablement vocation à évoluer. Avec le prolongement de la ligne du tram, l’ouverture prochaine du Royal Mansour sur l’Avenue des FAR ou encore la rénovation de l’hôtel Lincoln, les abords du Marché Central vont très certainement se gentrifier. Mais cela ne représente pas forcément un problème pour nous : chaque ville est mouvante, évolutive. Et Central 88 est sans aucun doute voué à s’adapter et à évoluer lui aussi.

 

“Almanach Casablancais” - Sortie de résidence d’Amina Azreg