DocTalk : 1ères Rencontres professionnelles du documentaire à Casablanca

Jeudi dernier nous assistions au DocTalk, 1ères rencontres professionnelles du documentaire organisées par 2M, et étions ravis de constater que l'industrie autour de ce genre cinématographique à la fois singulier et universel, s'organise pour la première fois en posant les termes d'une réflexion qui s'annonce longue mais nécessaire, et qui doit être menée conjointement par les réalisateurs, les producteurs, les distributeurs et les organisateurs de festivals.

De gauche à droite: Ali Essafi, Nabil Ayouch, Alaaeddine Aljem et Asmae El Moundir
De gauche à droite: Ali Essafi, Nabil Ayouch, Alaaeddine Aljem et Asmae El Moundir

Le documentaire de création est un genre qui dérange : "excellent baromètre de santé d’un pays et de son niveau de liberté", il vise à interroger la société, ses valeurs, son identité, mais aussi à aller à la rencontre d'un monde globalisé, pour analyser ses mutations et comprendre ses enjeux. "Culture pour tous, citoyenneté active, ouverture sur le monde", tels sont les mots de Réda Benjelloun directeur des Magazines d'Information et du Documentaire de la chaîne pour décrire l'objectif de cette case, et pour qui le documentaire est "une arme de culture massive puissante", "une arme de construction massive" dira même Ahmed El Maanouni, président de la chambre marocaine des producteurs de films.

Si le documentaire reste le parent pauvre de la fiction, l’évolution du secteur en moins de 10 ans reste néanmoins très encourageante et « les 1ers indicateurs sont très positifs » déclare Hind Saih, présidente du Fidadoc, festival international du documentaire à Agadir, en ajoutant que le Maroc est un pays d’histoire et de récit où l’exercice du documentaire peut facilement trouver sa place.

Consciente de l’importance du documentaire en tant qu’outil d’éveil et de citoyenneté consolidant l'identité plurielle d'un pays, la chaîne a veillé à accorder une place dans sa grille des programmes à ce genre cinématographique, notamment à travers Des Histoires et des Hommes, rendez-vous incontournable du dimanche soir en prime time depuis 2012 et parti-pris quasi inédit dans toute la zone sud.

Les documentaires présentés jusque là ont soit marqué les esprits à l'instar Des Murs et des Hommes de Dalila Ennadre, Transes de Ahmed El Maaouni ou encore 475, Trêve de Silence de Hind Bensari, soit valu un procès au directeur de la chaîne dans le cas d'Hercule contre Hermes, et parfois même provoqué des sit-in devant les locaux de 2M après la diffusion du documentaire de Kamal HachkarTinghir - Jérusalempar exemple;mais tous témoignent d'une même volontéde présenter des documentaires de création, avec de réels points de vue, de vraies histoires et un sens de l'esthétique certain. Des documentaires qui partent du réel pour l'interroger et le questionner mais aussi pour le romancer et le fantasmer, créant ainsi un véritable cinéma du réel.

Réda Benjelloun défend aussi ces « échappées belles » de la programmation : des documentaires imparfaits dont personne ne veut mais qui sont le produit d'un regard neuf et d'un rapport immédiat à l'image et au récit, quasi empirique, qui sont parfois d'une justesse rare, comme dans le cas du documentaire palestinien de Khaled JarrarThe Infiltrators, boycotté par de nombreuses chaînes occidentales et que seuls les marocains ont eu la chance de pouvoir regarder chez eux. Ahmed El Maanouni n'a pas manqué d'ailleurs de souligner le besoin de créer une case « essais et recherches » pour les jeunes qui selon lui, sont "le vrai terreau de la création documentaire ».

Une belle rencontre fédératrice sous le signe du partage et de l'échange qui nous l'espérons, deviendra un rendez-vous annuel, positionnant à terme le Maroc comme épicentre de la recherche et de la création documentaire dans la région.