Visa For Music 2020 : 5 questions à Brahim El Mazned

La nouvelle édition du premier marché professionnel et festival des musiques du Maroc, d’Afrique et du Moyen-Orient, Visa For Music, se tiendra du 18 au 21 novembre, dans une version “déconfinée” pour répondre aux exigences sanitaires du moment. Une organisation adaptée au contexte actuel, avec diffusion digitale de concerts et un programme de conférences, de formations et d’ateliers dans le strict respect des mesures sanitaires.

La crise que le monde entier traverse aujourd'hui oblige les artistes et les acteurs de la culture, dont Visa For Music fait partie, à se réinventer et à trouver des nouveaux modes de travail, des nouveaux moyens de subsistance, et de nouvelles façons d’être en lien avec le public, constituant de véritables changements de paradigme.

Tout en maintenant sa vocation de premier marché professionnel et festival des musiques du Maroc, d’Afrique et du Moyen-orient, Visa For Music proposera trois journées de conférences pour débattre du rôle et du poids économique et social des industries culturelles et créatives, en présentiel pour les intervenants nationaux et quelques internationaux, avec une transmission digitale. Des formations seront également proposées aux jeunes professionnels, opérateurs culturels et artistes marocains ou résidents au Maroc.

 
Crédits Visa For Music

Crédits Visa For Music

 

Nous avons posé quelques questions à Brahim El Mazned, fondateur de Visa For Music, pour en savoir plus sur cette première expérience “déconfinée” et sur sa vision de l'avenir du secteur.

-   Pourquoi maintenir cette date était-il important pour toi ? 

Le domaine artistique traverse, à travers le monde, depuis mars dernier une période particulièrement difficile à cause de la pandémie et des mesures de restrictions sanitaires. Dans ce contexte, maintenir le festival Visa for Music était très important pour notre équipe, car signe d’espoir pour les artistes et l’ensemble des acteurs culturels. Malgré les mesures sanitaires de distanciation en vigueur, nous avons pu programmer une « édition déconfinée » qui se tiendra en ligne du 18 au 21 novembre 2020. Une vingtaine d’artistes sélectionnés pourront bénéficier d’un enregistrement de capsules vidéo réalisées par Visa For Music. Des conférences, formations et ateliers à destination des professionnels du domaine artistique et musical seront organisés à Rabat, comme lors des précédentes éditions tout en en respectant les mesures sanitaires en vigueur. Cette édition se veut un rendez-vous dans une optique de résilience pour les artistes et les acteurs culturels, et sera l’occasion de repenser ensemble l’avenir du secteur culturel.

-   Peut-on véritablement parler de résilience pour la scène culturelle marocaine ? 

Le secteur du spectacle vivant est de nature saisonnier et souvent de nature précaire, il est lié aux temporalités des lieux et des évènements. La crise du Covid-19 a mis en évidence cette fragilité et cette précarité de manière aiguë. La scène culturelle marocaine a beaucoup souffert de la crise sanitaire, avec la mise en pause des manifestations et activités culturelles suite à la pandémie. Beaucoup d’évènements ont dû être annulés à l’international, et le Maroc ne fait pas exception. Pourtant, pendant le confinement, beaucoup d’artistes ont fait preuve d’initiatives très louables, en partageant leurs créations à travers le digital par exemple, en privilégiant les plateformes de diffusion en ligne, ou encore en s’essayant à l’auto-production. De plus en plus, la résilience prend de nouvelles formes, et certains artistes et opérateurs culturels vont même jusqu’à organiser des concerts avec un public limité, masqué et en plein air où dans des lieux où la distanciation sociale peut être respectée.


“Il seraiT intéressant de se servir de cette expérience […] pour garder une composante digitale dans le milieu culturel.”

Brahim El Mazned


-   Qu'est-ce que cela suppose de faire une édition digitale ? Quels sont les défis auxquels il faut répondre ? 

Une édition digitale suppose des activités en présentiel fortement limitées. Les concerts en live ne pourront malheureusement pas se tenir comme les années précédentes, mais l’équipe de Visa for Music fait tout son possible pour que l’« édition déconfinée » profite à un maximum d’acteurs culturels. Ainsi, les intervenants des conférences pourront participer à distance, et les conférences seront retransmises en ligne afin de pouvoir être suivies à l’international. Quant aux sessions vidéos, dont l’enregistrement sera pris en charge par Visa for Music, elles pourront être relayées sur nos réseaux, ceux de nos partenaires et des artistes. Par ces adaptations au format digital, nous souhaitons montrer qu’il est possible pour le secteur culturel et artistique de muter et se réinventer afin de faire face à la crise, voire d’en tirer profit. En effet, même si le virtuel ne peut pas remplacer la rencontre et l’émotion entre un artiste et son public, il permet une diffusion simple, rapide et accessible du travail des artistes. En ce sens, le numérique est un outil à développer, à maîtriser et à intégrer dans les stratégies de communication, comme complément au spectacle vivant. 

 
Crédits Visa For Music

Crédits Visa For Music

 

-   Peux-tu nous parler de la programmation de cette année ? 

Cette année, restrictions sanitaires obligent, les artistes sélectionnés pour bénéficier de l’enregistrement d’une session vidéo sont essentiellement des marocains ou des résidents au Maroc. Nous avons choisi de promouvoir la diversité musicale du pays en choisissant des groupes issus de différentes régions du territoire marocain, comme Rabat, Chefchaouen, Safi, Essaouira, Azilal, Kelaat Mgnouna, Boumalne Dades, ou encore Agadir. Des journées de formation seront organisées autours des thèmes de la formation scénique et le management culturel et artistique, à destination des artistes et acteurs culturels qui veulent développer leurs compétences et capacités professionnelles. Elle sera suivie de deux jours de conférences, portant sur la scène urbaine face au digital, la place de la femme dans le paysage de la création, ou encore les pratiques virtuelles dans le domaine culturel mises en place suite à la pandémie. Ainsi, Visa for Music entend continuer, par cette « édition déconfinée », de favoriser et promouvoir le rayonnement et le développement des artistes marocains.

-   Qu'est-ce qu'on peut souhaiter à VFM et au secteur en général pour les années à venir ? 

Il faut espérer que le secteur culturel ne souffrira pas trop de ce fonctionnement en sous-régime prolongé, et que les artistes pourront rapidement retrouver leur public car le virtuel ne remplacera jamais l’émotion du live. Il serait tout de même intéressant de se servir de cette expérience et du développement du numérique comme créateur de valeur pour garder une composante digitale dans le milieu culturel.

Quant à Visa for Music, le festival et ses artistes vous donnent rendez-vous l’an prochain, en espérant que l’édition 2021 puisse se tenir en présentiel comme à l’accoutumée, et que les partenaires soient attentifs à ce projet en cette période de crise. 

En attendant, notre structure prépare la sortie imminente de l’Anthologie des Rrways, un projet qui a réuni une centaine d’artistes autour de cette belle expression musicale amazighe. Un autre projet devrait voir le jour cette année, « la Scène Mobile », qui aura pour mission de contribuer au développement de la scène musicale au Maroc, et sera disponible (quand les conditions sanitaires le permettront) au service des institutions, structures culturelles et des organisateurs de festivals.