Wadjda, de Haifaa Al Mansour : le premier film saoudien est réalisé par une femme !
Qui aurait cru que le feel-good movie de ce début d’année viendrait d’Arabie Saoudite ? Un pays où les salles de cinéma sont fermées, et où les caméras dans la rue sont aussi absurdes qu’une femme sans voile.
Wadjda, avant d’être l’histoire d’une fillette effrontée de 12 ans, est une petite révolution dans le paysage cinématographique arabe. Premier film réalisé en Arabie Saoudite, et par Haifa Al-Mansour, une femme qui plus est. La prouesse ne s’arrête pourtant pas là. Wadjda est une fenêtre touchante sur l’Arabie Saoudite, un pays dont on ne connaît que les villes saintes, et dont les images filtrent rarement.
Dans une banlieue de Riyadh, une jeune fille qui porte le jean, et les converse sous sa abbayah, se met en tête de s’acheter un vélo pour faire la course à son voisin Abdallah. Rien de bouleversant jusqu’ici, sauf que dans son pays, le vélo est un objet masculin, diabolisé, et socialement inadapté pour une femme respectable. Au gré de cette douce révolte adolescente, on découvre des drames familiaux, une mère incapable de donner à son mari le garçon qu’il voulait, un mari insatisfait qui se cherche à se remarier, des beautés arabes qui chantent dans l’intimité de leurs intérieurs, les solitudes et les schizophrénies des sociétés arabes contemporaines, et l’humour discret et réservé d’un peuple qui apprend à rire de ses incohérences.
Wadjda, garçon manqué, gamine obstinée et débrouillarde, trop jeune pour se soumettre aux conventions, et trop précoce pour ne pas se battre pour sa liberté et son émancipation. Elle vend des bracelets à ses camarades de classe, organise des rencards pour ses copines, et ne rate pas une occasion de gagner les 800 rials qui la séparent du vélo de ses rêves.
Wadjda, qui est d’habitude si peu passionnée par ses cours d’instruction islamique, va même jusqu’à participer à une compétition de récitation coranique, pour financer sa révolte. Difficile de ne pas penser à Little Miss Sunshine. Même tempérament, même inconscience juvénile, un décor aride, un concours saugrenu qui semble perdu d’office, et une cérémonie de remise des prix presque aussi barrée.
On en ressort avec le sourire, attendris par la petite Waad Mohammed, rayonnante à l’écran, pleins d’espoirs pour ce cinéma saoudien naissant et déjà excellent, et fiers de cette femme qui a osé. Un feel-good movie, on vous dit !